L’Afrique de l’Ouest et le Sahel, entre défis sécuritaires et la nécessité de consolider la paix

9 déc 2019

L’Afrique de l’Ouest et le Sahel, entre défis sécuritaires et la nécessité de consolider la paix

Le 24 juillet 2019, le Représentant Spécial et Chef du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, Mohamed Ibn Chambas, a présenté au Conseil de Sécurité des Nations Unies, le rapport du Secrétaire-général sur la situation en Afrique de l’Ouest et au Sahel. Tour d’horizon des points majeurs soulevés.

« De nouveaux progrès en matière de consolidation de la démocratie en Afrique de l’Ouest et au Sahel ont été réalisés. De tels progrès dans le domaine démocratique n’ont pas été constants ni sans complications ». Ces propos ont été prononcés, le 24 juillet 2019, par M. Mohamed Ibn Chambas, Représentant Spécial du Secrétaire-général et chef du Bureau des Nations Unies pour l'Afrique de l'Ouest et le Sahel (UNOWAS), devant les membres du Conseil de sécurité, lors de la présentation du dernier rapport du secrétaire-général sur les activités d'UNOWAS couvrant la période de janvier à juin 2019.

En effet, de nouveaux progrès ont été réalisés dans la consolidation de la démocratie dans la région à travers des élections pacifiques, en particulier au Nigéria, au Sénégal et en Mauritanie, ainsi que des dialogues politiques récemment engagés principalement au Bénin, au Burkina Faso et au Ghana. Mais malgré ces avancées, l’insécurité sévit dans plusieurs zones de la région où elle s’est même aggravée.

"S'attaquer aux causes potentielles de conflit reste une priorité majeure avant le prochain cycle d'élections présidentielles à forts enjeux en Afrique de l'Ouest, prévu pour l'année prochaine au Burkina Faso, en Côte d'Ivoire, au Ghana, en Guinée, au Niger et au Togo", a averti M. Ibn Chambas  le Conseil de sécurité, tout en soulignant les problèmes liés aux droits de l'homme auxquels plusieurs pays de la région font face, notamment à travers  « l'instrumentalisation du pouvoir judiciaire à des fins politiques dans certains cas, ainsi qu'un sentiment d'impunité prédominant pour les crimes , portant atteinte au respect de l’état de droit ».

Défi sécuritaire et crise humanitaire au Sahel

M. Ibn Chambas s’est aussi appesanti sur la situation sécuritaire instable au Sahel, où l'escalade de la violence et de l'insécurité a provoqué une crise humanitaire sans précédent qui a mis dans le besoin un total de 5,1 millions de Burkinabè, Nigériens et Maliens. Au Burkina Faso, 226 incidents liés à la sécurité ont contribué à accélérer le déplacement des populations. Le nombre de personnes déplacées a été multiplié par cinq passant de 47 000 en décembre 2018 à 220 000 déplacés internes et à plus de 25 000 réfugiés en juin 2019.

« Dans le bassin du lac Tchad, les attaques des groupes dissidents de Boko Haram continuent de menacer la paix et la stabilité de la région », a déclaré Ibn Chambas. Il a exhorté "les gouvernements et les partenaires à redoubler d'efforts pour définir une approche concertée afin d'empêcher une nouvelle expansion de la menace terroriste et d'encourager le soutien aux mesures de stabilisation indispensables à moyen et long terme alignées sur la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel", a -t-il déclaré.

M. Ibn Chambas a également appelé à « un soutien accru à la mise en œuvre de la stratégie régionale de stabilisation pour le bassin du lac Tchad ainsi qu'au programme d'investissement prioritaire du groupe des cinq du Sahel, et parallèlement à un effort concerté visant à soutenir les plans de développement nationaux » afin de stimuler le développement de la région.

Conflits intercommunautaires

Faisant écho à la présentation du Représentant spécial, le Conseil de Sécurité a, dans sa déclaration du 07 aout 2019, exprimé sa profonde préoccupation face à la détérioration constante des conditions de sécurité et de la situation humanitaire dans les pays du Sahel. Il a appelé les acteurs régionaux et internationaux à continuer de se mobiliser pour aider ces pays à faire face aux problèmes de paix et de sécurité. Le Conseil a insisté sur le fait que la sécurité et la stabilité au Mali sont liées à celles du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest, ainsi qu’à la situation en Libye et en Afrique du Nord.

Car les problèmes de sécurité en Afrique de l’Ouest et au Sahel, en particulier les menaces que représentent le terrorisme, la piraterie maritime, les conflits entre pasteurs et agriculteurs et la criminalité transnationale organisée, notamment la traite des êtres humains, le trafic d’armes et de drogues et l’exploitation illégale de ressources naturelles, sont liés entre eux et handicapent le développement de la sous-région. Aussi, pour combattre l’insécurité dans la région, les membres du Conseil de Sécurité ont appelé la CEDEAO et le G5 Sahel à répertorier les domaines de complémentarité sur le plan de la prévention des conflits et de la pérennisation de la paix dans la région.

Le Conseil a également exprimé sa préoccupation concernant l’intensification des violences intercommunautaires dans le centre du Mali et au Burkina Faso et a rappelé que pour protéger la population civile , il faudrait une intervention qui soit pleinement coordonnée et dirigée par les gouvernements des pays, avec l’appui de l’UNOWAS et de la communauté internationale,  afin d’obtenir des progrès simultanés dans les domaines  de la sécurité, de la gouvernance, de l’aide humanitaire et du développement.

Le dialogue pour prévenir les violences

Le Conseil a rappelé qu’aux termes de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, les États parties doivent s’assurer que le processus d’amendement ou de révision de leur constitution repose sur un consensus national comportant, le cas échéant, le recours au référendum. Le Conseil a demandé à UNOWAS d’encourager tous les acteurs politiques à recourir au dialogue pour régler leurs différends à cet égard.

Il a aussi souhaité que les réformes politiques en cours dans la région soient consolidées pour prévenir les violences et l’instabilité et que la réconciliation nationale progresse en Sierra Leone et au Libéria. Il a appelé les parties prenantes nationales en Guinée-Bissau, en Côte d’Ivoire, en Guinée et au Togo à collaborer pour faciliter la tenue d’élections, justes, crédibles et pacifiques et à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour prévenir les violences.

Face aux questions indissolubles relatives au développement, l’action humanitaire, les droits de la personne et la paix et la sécurité, le Conseil a plaidé pour une démarche plus intégrée et plus multisectorielle. Il a souligné que cela permettra aussi de s’attaquer aux causes profondes des crises, d’aider les groupes de population vulnérables, notamment les migrants et les réfugiés, de prévenir de nouvelles tensions et de nouvelles violences.

Associer les femmes, se mobiliser pour le changement climatique

Conscient des effets néfastes des changements climatiques, des changements écologiques et des catastrophes naturelles, notamment la sécheresse, la désertification, la dégradation des terres et l’insécurité alimentaire, sur la stabilité en Afrique de l’Ouest et dans la région du Sahel,  le Conseil a rappelé que  les gouvernements et les organismes des Nations Unies doivent mettre en place des stratégies à long terme, fondées sur des évaluations des risques, pour favoriser la stabilisation et la résilience. A cet égard, il a encouragé UNOWAS à continuer de tenir compte des informations à ce sujet dans ses activités.

Concernant le rôle que jouent les femmes dans la prévention et le règlement des conflits dans la consolidation de la paix et dans les situations post conflit les membres du Conseil ont rappelé que les femmes doivent participer sur un pied d’égalité à tous les efforts visant à maintenir et à promouvoir la paix et la sécurité et y être pleinement et véritablement associées.