« Le développement de l’Afrique ne se fera pas sans la technologie numérique » Fabrice Teeg-Wendé Guéné

15 juil 2020

« Le développement de l’Afrique ne se fera pas sans la technologie numérique » Fabrice Teeg-Wendé Guéné

La situation actuelle causée par la crise sanitaire mondiale COVIDE-19, a suscité des élans de solidarité et de créativité exceptionnels. En Afrique de l’Ouest et au Sahel, des jeunes talentueux ont mis leur créativité au service de leur pays et de la région pour faire face aux conséquences de la pandémie.
A seulement 24 ans, Fabrice Teeg-Wendé Guéné est le cofondateur de BRISCOM, une agence de communication numérique qui accompagne les entreprises dans leurs processus de communication, de marketing web et de digitalisation. Il a créé Ecole Digitale, une plateforme d’enseignement en ligne pour permettre aux élèves de poursuivre leurs études à domicile suite à la fermeture d’écoles, de collèges et d’universités en raison de la pandémie. Entrevue.

Qui est Fabrice Teeg-Wendé Guéné ? parlez-nous brièvement de vous.

Je suis un jeune entrepreneur dans le digital. J’ai 24 ans et je suis diplômé en communication et journalisme. J’ai une grande passion pour le numérique et la communication. Je suis co-fondateur de BRISCOM, une agence de communication digitale.

La plupart des défis de nos sociétés africaines, il existe une solution digitale

Vous êtes passionné par la communication numérique; quel est l’importance des outils numériques dans nos sociétés, notamment en Afrique ?

Pour moi, à la plupart des défis de nos sociétés africaines, il existe une solution digitale. Le digital ne fait pas tout, mais peut être d’un apport inestimable. La dématérialisation de certaines opérations contribue énormément à l’amélioration des conditions et à la sécurité. Grâce aux services bancaires mobiles (mobile banking) par exemple, les populations arrivent à mieux protéger leur argent. Le digital contribue à apporter l’éducation dans des zones reculées et parfois inaccessibles à cause de fléaux comme le terrorisme. Sans oublier les innovations dans le domaine de la santé qui permettent aux communautés défavorisées de bénéficier de diagnostics et ou de prise en charge de maladies à distance. Avec le digital le champ des possibilités est vaste. Il reste aux inventeurs et au innovateurs d’explorer ces possibilités et solutions pour booster le développement. Le développement de l’Afrique ne se fera pas sans le numérique. Bien au contraire, je pense que le numérique est la porte, le canal par lequel l’Afrique fera valoir ce qu’elle a à offrir au monde entier.

Vous avez récemment créé Ecole Digitale, une plateforme d’enseignement en ligne pour aider les élèves qui ont dû arrêter les cours à cause de la pandémie du COVID-19. Comment et pourquoi vous êtes-vous lancé dans ce projet?  

Briscom se veut un générateur de solutions digitales aux problèmes de la société. Au regard de la crise et de la fermeture des salles de classe, nous nous sommes dit qu’il était de notre devoir d’apporter notre contribution dans la lutte. C’est ainsi que nous avons décidé de rendre les cours accessibles au plus grand nombre d’élèves à travers internet. Et l’idée de École Digitale est née. Nous avons immédiatement commencé la réalisation du projet avec nos propres moyens. Au bout de 3 semaines nous étions à l’ouverture de la version bêta. Mais le développement continue.
Au-delà de la problématique du coronavirus, École Digitale répond à trois Objectifs de Développement durable que sont l’accès à l’éducation (ODD 4), l’égalité des chances (ODD 10) et la collaboration pour l’atteinte des objectifs (ODD 17). Le terrorisme ayant conduit à la fermeture de centaines d’écoles il est important que les enfants de ces zones là puissent également avoir le droit à la même éducation que les autres. Le taux d’échec étant très élevé ces dernières années aux examens scolaire, École Digitale prévoit de disponibiliser également un soutien scolaire gratuit pour tous les élèves afin de garantir l’égalité des chances de réussite.
La première étape du projet était la réalisation au plan technique de la plateforme. Au bout de trois semaines nous avions bouclé cette étape. La deuxième consistait à trouver le contenu. Nous avons donc fédéré une équipe pédagogique locale et qualifiée constituée d’enseignants certifiés, supervisés par des inspecteurs de l’éducation nationale pour garantir la qualité des cours dispensés sur la plateforme.
A l’étape actuelle nous sommes en train de travailler à disponibiliser un espace interactif de discussion entre élèves et enseignants pour permettre aux élèves de pouvoir poser des questions au besoin, afin de faciliter leur apprentissage.  

La plateforme est-elle opérationnelle d’une manière efficace et satisfaisante ?

Oui la plateforme est ouverte et fonctionnelle. Mais il reste pas mal de choses à faire comme la finalisation de l’espace interactif d’échange, la publication des cours des classes intermédiaires (tout le programme du CP1 à la Terminale) et l’opérationnalisation du soutien scolaire personnalisé et gratuit pour tous les élèves. Nous avons mis le cap sur les classes d’examens pour parer à l’urgence. Les classes intermédiaires auront du contenu bientôt mais le manque d’un personnel permanent ralenti les processus, mais la plateforme fonctionne et les élèves ont accès aux cours.
Nous travaillons depuis le début de l’initiative à entrer en contact avec le Ministère de l’éducation nationale. Au regard de la lourdeur de l’administration et des lenteurs qui peuvent en découler, nous avons décidé de continuer notre action, puis à les recontacter dès que cela sera possible. Ce que nous attendons en priorité c’est une labellisation qualité de nos contenus de la part du ministère de l’éducation nationale afin de rassurer les élèves et parents d’élève par rapport à la qualité du contenu. Les enseignants et inspecteurs nous accompagnent depuis le début de façon totalement bénévole. Ils produisent les cours, les exercices, bientôt les évaluations. Ils resteront également disponibles sur la plateforme pour assister les élèves qui en ont besoin.
Nous avons réussi à obtenir de Orange Burkina l’insertion de École Digitale, dans leur pack éducation qui d’ordinaire est accessible à 100 F/ jour mais qui est devenu gratuit le temps de la crise du Coronavirus.

Pour l’instant nous n’avons pas d’accompagnement, ni du gouvernement, ni d’un quelconque autre partenaire

Quels sont les obstacles qui bloquent sa mise en marche effective de la plateforme ?

Nous souhaiterions bien avoir une labellisation des contenus qui sont produits par les enseignants. Pour l’instant les cours sont validés en amont par des inspecteurs qui ont bien voulu nous assister. Des moyens financiers pour recruter un personnel dédié et permanent font défaut ! Il serait également de bon ton de pouvoir encourager les enseignants qui jusqu’à présent nous accompagnent de façon totalement bénévole.
Pour l’instant nous n’avons pas d’accompagnement, ni du gouvernement, ni d’un quelconque autre partenaire. Les besoins financiers pour supporter les charges de fonctionnement de la plateforme sont assez élevés et toute aide que nous pourrions recevoir nous serait fort utile pour faire fonctionner la plateforme au meilleur de son potentiel, au grand bonheur des élèves.

Votre plateforme pourrait-elle être utilisée dans les pays de la sous-région, par exemple ?

La plateforme est absolument duplicable ailleurs. Nous l’avons d’ailleurs pensé et conçu ainsi. Nous aimerions bien pouvoir permettre aux élèves d’autres pays d’Afrique de profiter de École Digitale. Le Burkina peut être considéré comme un projet pilote.
Pour dupliquer le modèle ailleurs, il va nous falloir une équipe pédagogique qualifiée au niveau local pour produire les cours selon le programme de chaque pays. Il va aussi nous falloir une infrastructure technique (hébergeur) puissante afin de supporter la charge de trafic que pourrait générer chaque site.

Avez-vous d’autres projets ? pensez-vous pouvoir obtenir le soutien nécessaire pour les réaliser ?

Oui nous avons plusieurs autres projets sur lesquels nous travaillons. Nous sommes sur plusieurs secteurs, éducation, employabilité, santé, entreprenariat, immobilier, etc. Ce ne sont pas les besoins qui manquent, le premier étant bien évidemment le besoin financier et de partenariat.
Par exemple nous travaillons sur un projet que nous avons nommé Yidgri qui signifie épanouissement en mooré. C’est un projet qui consiste en la création d’une plateforme de formation en ligne pour les entrepreneurs. Des formations spécialisées, adaptées au contexte africain afin de permettre aux entrepreneurs africains d’améliorer leur résilience et d’entreprendre selon les règles de l’art afin d’éviter au maximum de créer des entreprises mort-nées comme c’est le cas aujourd’hui !
L’autorité publique est difficile à mobiliser sur la base d’un simple projet, d’autant plus qu’aujourd’hui tout le monde a un projet. C’est la raison pour laquelle nous travaillons toujours sur la base de nos moyens et ressources personnelles. Cela nous permet de lancer un prototype sur la base duquel nous pouvons aller à la recherche de partenariats publics ou privés.

Cet article est publié dans le Magazine UNOWAS N11 -> Téléchargez ici